Cinéma et éthique : « Patients » ou l’envie de vivre en dépit du handicap

Cinéma et éthique : « Patients » ou l’envie de vivre en dépit du handicap

Roger Gil. Billet éthique, 1 juillet 2024, 137

L’art, la culture, certaines œuvres d’art, et notamment des films peuvent être riches d’enseignements éthiques. Il en est ainsi du film « Patients » qui ouvre le chemin de multiples rencontres[1].

Celle d’un jeune en situation de handicap dont les membres se sont engourdis suite à un plongeon malencontreux et qui garda sa détermination à être et à être au monde en dépit de son handicap.

La rencontre d’un jeune en situation de handicap qui pour faire le récit de sa vie a utilisé l’art, et d’abord en 2006, le slam, ce langage poétique que l’on déclame au spectacle, en public, avec ou sans musique, une manière de dire, de raconter, de partager ses craintes, ses joies, ses doutes, ses espoirs et tant d’autres émotions. Un langage où la parole domine, avec sa propre musicalité, ou avec la musique ou le chant qui peuvent l’accompagner comme un écrin. Et ce jeune, pour slamer, décida de s’appeler « Grand corps malade ».

En 2012, il écrit un livre puis, poursuivant la reconstruction artistique de sa vie, ce fut en 2017, le film Patients où le slam devient la toile de fond de son histoire racontée en images.

Une histoire où l’on voit comment un accident peut faire basculer une vie en pleine ascension mais qui nous entraîne, avec lui, jeune parmi d’autres jeunes, dans un centre de rééducation. Le spectateur devient un témoin accompagnant l’équipe de rééducation dans ses gestes techniques, mais aussi dans sa dimension relationnelle avec ces jeunes, rassemblés là par le hasard impitoyable de la vie, et qui doivent composer avec des membres inférieurs, des bras, des mains, des sphincters aussi, frappés de manières diverses. Mais le spectateur devient aussi le témoin accompagnant de ces jeunes réunis par leur handicap et qui, ensemble construisent entre eux des liens sociaux où se mêlent  l’humour, parfois grinçant, les salves d’incompréhension, les moments de complicité (vous verrez leur fugue en forêt en fauteuil roulant), les peines communes (vous les verrez bouleversés en apprenant la mort par arrêt cardiaque de l’un d’eux), et les instants de confidences, de tendresse et de nostalgie.

En toile de fond, le spectateur découvre ou retrouve la patience, le courage et ce long cheminement qui doit amener chacun à passer de la révolte, de la dépression, de la résignation, à cet acquiescement à la nouvelle vie qui sera la leur et dont ils seront les acteurs vivants.

Ne pas être des perdants (des loosers, entendra-t-on), se fixer des objectifs « à mobilité réduite», croire en la lumière avec « un espoir adapté »…… Telles seront les dernières paroles…. Surtout ne vous levez pas quand vous croirez que le film est fini…. Il faudra attendre que Grand Corps malade nous dise un ultime message… en slamant…. avec ces derniers mots devenus poème :

Là-bas au bout des couloirs, y’aura de la lumière à capter

On va tenter d’aller la voir avec un espoir adapté

 

Oui, comme le disait Jean Rostand dans Chantecler

 

C’est la nuit qu’il est beau de croire en la lumière

[1] Ce billet éthique reprend l’introduction à un « cinéthique » réalisé le 26 juin 2024 dans un Centre de rééducation fonctionnelle des Deux-Sèvres à laquelle participaient l’équipe soignante et l’équipe de direction, des patients et l’équipe du site picto-charentais de l’Espace de réflexion éthique de Nouvelle-Aquitaine

Sculptures en bois polychrome de Côme et Damien