Les fêtes et l’hôpital

Les fêtes et l'hôpital

Billet éthique, 30 décembre 2025, 191

      Entrer dans un hôpital n’est pas entrer dans un lieu comme les autres. Là, dans la ville ou aux portes de la ville sont rassemblées la naissance compliquée d’un enfant dont on attend le premier cri, la rencontre soudaine avec une maladie inattendue qui a bouleversé les projets de vie, l’espérance d’une guérison proche ou possible, le rêve de la visite d’un proche que la vie avait éloignés, mais dont on voudrait respirer la présence dans ces moments ultimes, la perplexité anxieuse d’une attente qui semble interminable dans un service d’urgences surchargé ou la rumination inquiète et insomniante de l’intervention chirurgicale prévue le lendemain. En cette veille de fête ou en ce jour de fête, les visiteurs entrent et sortent, presque comme chaque jour. Certains passent de manière mécanique, d’autres sourient, sans doute rassurés sur l’état de santé de leur proche hospitalisé, quelques-uns essuient furtivement une larme. La période de Noël et des fêtes de fin d’année, appelle plus que toute autre, à prendre conscience de cette cacophonie des destins humains et du sentiment d’injustice ou de tristesse ou de vaine révolte que peuvent susciter ces vies arrachées, on ne sait pourquoi à leur déroulement ordinaire. Ces vies qui témoignent de la vulnérabilité inscrite en contrepoint obstiné et implacable des processus biologiques qui mènent de la naissance à la mort. Ces vies projetées dans la maladie ou l’accident et rassemblées là, de manière inattendue, en cette nuit de Noël ou en cette nuit de Nouvel An. Non pas que ces nuits ne soient pas des nuits aussi fugitives que les autres, même si elles sont fragmentées par l’insomnie, mais parce que ces nuits appellent, au-delà de la fête, à la quête d’interrogations plus profondes sur le sens ou le non-sens des parcours plus ou moins étirés, mais toujours limités que les êtres humains effectuent sur terre. L’hôpital, partout présent dans le monde comme un havre à l’architecture puissante ou rudimentaire, en temps de paix ou en temps de guerre, dit à sa manière que l’humanité ne peut pas être sans ces blessures qui la lacèrent et qui sont coextensives avec le caractère éphémère et fragile de la vie biologique sans laquelle il n’y aurait pourtant pas d’existences humaines. Ces pensées ne doivent pas gâcher le sentiment de fête, mais elles appellent d’abord à tenter d’approfondir le sens même des fêtes qui scandent les calendriers. Elles appellent d’abord à la prise de conscience qu’il y a, même en période de fêtes, des personnes malades ou accidentées qui sont exclues du cours des évènements banals et si précieux de la vie quotidienne. Cette prise de conscience n’est pas un exercice inutile. Même si elle n’est qu’une pensée furtive qu’un furtif recueillement, elle exprime un partage et elle est un chemin d’altérité dans un monde trop enclin à confondre la fête avec un consumérisme qui peut conduire à l’insouciance, à l’anesthésie à l’égard d’autrui. Entrer dans un hôpital en ces jours de fêtes c’est tenter d’embrasser les joies et les peines qui se mêlent de manière inextricable dans une humanité qui ne peut oublier ni les maladies, ni les accidents, ni les guerres… et tant de visages proches ou lointains, connus et inconnus soignés dans des hôpitaux qui, ici comme ailleurs, rassemblent tant de souffrances, mais qui témoignent aussi de tant d’espérances. Les hôpitaux peuvent alors nous rappeler que Noël et le Nouvel An sont des fêtes où la joie des moments partagés sait aussi s’ouvrir, tels des éclairs de tendresse, aux détresses et aux attentes incertaines de jours meilleurs.

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