Le Noël de Noémie: Conte de Noël

      Grand père ne m’a pas reconnu hier quand on a été le voir à la maison de retraite. Il m’a embrassé, c’est vrai et il a touché avec sa main la médaille que j’ai autour du cou, comme pour la caresser entre son pouce et son index. En même temps il bredouillait comme s’il voulait me dire quelque chose. Maman lui a dit alors : « Tu reconnais Noémie ». Il a eu un vague sourire, mail il semblait quand même un peu perdu. C’est vrai que depuis qu’il est à la maison de retraite, depuis l’année dernière, nous ne nous sommes vus que deux fois. Maman et papa s’en étaient bien aperçus qu’il ne pouvait plus rester seul chez lui : après la mort de grand’mère, mes parents avaient remarqué qu’il déraillait de plus en plus. Il se croyait toujours au temps de Mitterand et une nuit il était sorti en pyjama pour aller taper à la porte des voisins en leur disant que des voleurs étaient entrés chez lui. Papa et maman avaient été appelés par les voisins et ils étaient partis le rejoindre en voiture. En arrivant chez lui, une heure après, tout était sens dessus dessous dans la maison mais rien n’avait été volé. Les voisins l’avaient reconduit chez lui et essayaient de le rassurer en attendant. Puis mes parents l’ont ramené à la maison. Il a couché sur le canapé dans le salon et finalement il a bien dormi et le matin papa l’avait conduit en voiture chez lui puis ils avaient vite cherché une maison de retraite parce que c’était devenu trop dangereux pour lui de vivre seul. Avant de partir il m’avait serré dans ses bras. Il avait dit mon prénom et je le sentais triste, pourtant il souriait. Il avait dans sa main une médaille avec une chaine et il me l’a donnée en disant que c’était la médaille de ma grand-mère. Je lui ai fait une bise et je sentais que j’avais un peu envie de pleurer. Et il était parti.
 Maman m’avait dit que je pouvais garder la chaîne autour de mon cou. Quand j’ai revu grand-père à la maison de retraite avec papa et maman qui avait fait un gâteau pour son anniversaire, il ne parlait presque pas et ça faisait deux mois qu’il était à la maison de retraite ! Pourtant la maison de retraite était plutôt belle et il y avait beaucoup d’autres personnes qui étaient avec lui. Maman a parlé à grand père de la recette du gâteau aux cerises, le même que faisait grand’mère mais j’ai l’impression qu’il avait tout oublié. Et puis peu après on est reparti. J’avais pleuré en sortant parce que je sentais bien que je n’étais plus dans la mémoire de mon grand’ père et c’est comme si j’étais perdue. J’ai même demandé à maman comment je pouvais faire pour me remettre dans la mémoire de mon grand-père mais elle m’a dit que ce n’était pas possible.

Alors je ne suis plus retourné, maman disait qu’il ne fallait pas me traumatiser, ce qui veut dire qu’il ne fallait pas que j’ai de la peine parce que la peine ça rend triste. Mais hier pour Noël elle a accepté que je l’accompagne. Et j’ai bien vu que la fête de Noël était aussi partie de la mémoire de mon grand’ père et au fond c’est normal, quand les enfants disparaissent de la mémoire des grands pères, Noël disparaît aussi parce que Noël, c’est la fête des enfants. Ma grand-mère, elle, avait été très heureuse à son dernier Noël. C’est vrai que j’avais alors six ans mais je me souviens qu’à la maison, papa, maman, grand’ père et grand‘mère étaient autour de moi quand je découvrais mes cadeaux et ils m’avaient dit que le père Noël les avait déposés entre le sapin en lumière et la crèche ou dormait l’enfant Jésus.

Aujourd’hui j’ai dix ans ; je viens d’entrer au collège et il y a longtemps que je ne crois plus au Père Noël. J’ai retrouvé une photographie de ce dernier Noël avec grand-père et grand-mère. J’espère qu’ils se sont retrouvés au ciel parce que j’ai eu peur qu’en mourant avec sa mémoire qui était partie, grand-père ne retrouve plus grand-mère. Maman m’avait un peu rassurée en me disant que c’est une maladie du cerveau qui enlève la mémoire, mais qu’au ciel on n’a plus besoin du cerveau pour se rappeler de sa vie. Mais j’aimerais quand même qu’un jour les enfants restent dans la mémoire de leurs grands-parents même pendant leur vie sur terre.