Voeux 2025: entre finitude et espérance
Roger Gil. Billet éthique, 30 décembre 2024, 153
L’être humain peut-il être encombré par sa propre vie ? La vie naît, puis s’étire et s’éteint. Elle peut être parcourue d’obstacles, que l’on appelle des accidents ou des maladies qui rappellent l’être humain à ses limites, celles qui enserrent une vie biologique certes complexe mais fragile par sa complexité. L’harmonie du corps vivant, du corps vécu nécessite le silence des organes, l’efficacité des membres qui permettent d’agir dans le monde, l’intégrité des perceptions qui infusent le monde en nous, la préservation du cerveau sans lequel nous ne pouvons pas, nous ne saurions pas ressentir, penser, parler, agir. L’être humain perçoit cependant qu’il est davantage encore que la somme d’organes, de membres et d’un cerveau. Il perçoit en lui une unité qui transcende ce conglomérat biologique et quand tout va bien, il en vient à oublier que sa vie sur terre s’appuie sur ce conglomérat biologique. Et à ce titre, l’être humain est exposé aux aléas de son espace corporel, ceux qui, d’un bout à l’autre de la vie, à n’importe quel âge, par maladie, par accident, viennent infléchir, briser, suspendre la propulsion de la vie vers l’avant.
Propulsion vers l’avant mais jusqu’où ? Ce terme circonscrit le deuxième horizon de fragilité de la vie, celui-là même qui indique le terme de l’espace linéaire du temps, du temps numérique, du temps compté, du temps mesuré. Tel est l’horizon de la finitude qui rappelle que toute vie va nécessairement vers ses moments ultimes.
Alors, pourquoi fêter le passage à une nouvelle année ? Est-ce pour trouver dans les boucles circulaires et répétées des saisons, l’impression de recommencements renouvelés qui masqueraient la fuite du temps ? Est-ce pour se réconforter d’avoir obtenu une année de plus dans le temps de vie qui nous est crédité ? Où serait-ce plutôt un moment choisi, hors du temps linéaire, un moment choisi comme une parcelle d’éternité pour colorer la vie d’une espérance. C’est peut-être ce que suggèrent les vœux échangés. Ils n’empêchent ni la maladie, ni l’accident, ni les guerres. Mais ils dissolvent pour quelques instants la maladie, l’accident dans le présent d’une vie dont les aléas sont partagés. Car les aléas de la vie sont la vie à condition que demeure entre tous les humains, jeunes, vieux, malades, bien-portants, pauvres et moins pauvres, le sentiment d’appartenance à une commune humanité et d’une commune dépendance à la vie biologique. Les vœux disent ainsi l’attention que les êtres humains se portent les uns aux autres ; ils disent à leur manière ce sentiment d’une humanité partagée qui en dépit de sa fragilité, en dépit de sa finitude, dit son espérance de suppléments de vie dont le présent continué porte témoignage. Cette espérance peut aussi procéder de la conviction que le destin de l’être humain ne peut être enfermé dans les limites de la vie biologique. La mémoire atteste déjà de la présence d’êtres disparus. Pour certains la vie demeure tant qu’elle vit dans la mémoire d’autrui. Pour d’autres l’espérance dit aussi la foi en une vie qui quitte le corps mais qui mystérieusement ne s’éteint pas.
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